Rapport Gaindegia 2008: L'analyse des experts- Aitziber Etxezarreta et Irati Susperregi

Le secteur immobilier et la politique du logement au Pays Basque
Aitziber Etxezarreta
Irati Susperregi
Département d’Économie Appliquée I, EHU/UPV /
École Universitaire des Sciences Économiques et de Gestion de Donostia-San Sebastián
Le secteur du logement a vécu, certes, un authentique boom ces dernières années. Le nombre de constructions nouvelles n’a cessé d’augmenter partout au Pays Basque, de même que leur prix (prix calculé par mètre carré). Un phénomène qui s’est produit tant sur le plan local qu’à l’extérieur, une tendance que l’on n’observe cependant pas dans la même mesure dans tous les territoires du Pays Basque (Sud et Nord).

Une analyse plus approfondie du logement au Pays Basque dévoile certaines caractéristiques similaires, mais d’autres bien différentes, en ce qui concerne, notamment, la manière d’exposer la réalité, autrement dit, les statistiques. L’image générale est cependant celle d’une évolution croissante et unifiée, principalement en matière de prix, que les données et graphiques suivants mettent en évidence. Au cours des sept dernières années, le prix des constructions nouvelles libres a effectivement considérablement augmenté sur les trois territoires, entre 74% et 132%.

Les hausses les plus importantes sont celles du Pays Basque Sud : dans la Communauté Autonome Basque, principalement (où le prix par mètre carré est passé de 1.569 Euros à 3.646 Euros), suivie de la Navarre (où il est passé de 925 Euros à 1.698 Euros). Au Pays Basque Nord, la hausse du prix des logements est également considérable (il est passé de 1.654 Euros à 2.871 Euros), quoiqu’en moindre mesure qu’au Pays Basque Sud.

Tel que déjà avancé ci-dessus, l’évolution a également été différente selon les territoires du Pays Basque. En matière de politiques mises en oeuvre au cours des dernières années, une analyse en profondeur des différentes administrations a permis de mettre en relief les différences existantes et d’arriver à la conclusion que, en ce qui concerne la nature des constructions nouvelles, chaque territoire du Pays Basque a suivi sa propre évolution.

Autrement dit, s’il est vrai que la construction de logements, aussi bien libres que sociaux, a augmenté dans tout le Pays Basque, leur évolution différente est le résultat des différentes politiques locales appliquées. Il convient de rappeler que nous parlons de deux États, comptant chacun sa propre tradition en matière de politique du logement. Ce qui explique que les politiques appliquées dans un État (loyers sociaux au Pays Basque Nord) et dans l’autre (logements de protection publique au Pays Basque Sud) présente des caractéristiques et des conséquences différentes.

Ainsi, les deux Administrations situées dans l’État espagnol, la Navarre et la Communauté Autonome Basque, ont opté pour des politiques de logement dites méditerranéennes (Allen, J., J. Barlow, J. Leal, T. Maloutas, et L. Padovani, 2004 ; Etxezarreta, 2007), qui correspondent a des États de Bien-Être tardifs et insuffisants (Esping-Andersen, 2000; Barlow et Duncan, 1994) : des politiques totalement liées à la propriété et sans pratiquement de parcs de logements locatifs.

Dans l’État français, par contre, l’État de Bien-Être a jouit d’un développement plus important, avec l’application d’une politique du logement similaire à celle du Nord de l’Europe (plus corporatiste, Trilla, 2001 ; Priemus et Dieleman, 2002), davantage orientée vers le logement social et le développement de parcs publics de logements locatifs. Ce qui montre que le Pays Basque Nord et le Pays Basque Sud sont fort éloignés en matière de politique du logement.

Des concepts différents qu’il convient, par conséquent, d’aborder de manière différente. Raison pour laquelle lorsque, dans ce travail, nous parlons de logement social ou de logement public, il s’agit de logements de protection publique dans la Communauté Autonome Basque et en Navarre (pour la plupart en propriété) et de logements sociaux au Pays Basque Nord (locatifs et de type logement social européen – excepté méditerranéen).

Afin de pouvoir comparer les trois territoires, nous avons défini le logement de protection publique par rapport au logement privé (le % de constructions nouvelles publiques par rapport au % de constructions nouvelles privées), afin de pouvoir déterminer le « niveau d’intervention » dans chaque territoire (voir graphique ci-après).

Les principales conclusions de cette analyse sont les suivantes : d’une part, durant la période analysée, le poids du logement de protection publique a augmenté davantage dans la Communauté Autonome Basque. Le tableau montre, en effet, que si l’on prend comme ratio la construction de logements libres, on part de 80% pour atteindre 120% à la fin de la période.

En Navarre, cependant, on part de 60% de logements libres pour, après une nette tendance à la baisse (en 2004, où ils chutent jusqu’à10%), arriver à 40% à la fin de la période. Quant au Pays Basque Nord, l’offre de nouveaux logements sociaux locatifs a expérimenté une tendance à la baisse, puisqu’elle est passée de 40%, au début de la période, à 20% à la fin.

On peut donc affirmer que le niveau d’intervention publique a augmenté ces dernières années dans la Communauté Autonome Basque, par rapport à la Haute Navarre et au Pays Basque Nord, et c’est là l’une des principales conclusions de l’analyse effectuée. Dans la CAB, la variable définie, qui partait déjà d’un niveau relativement plus élevé, a expérimenté une tendance à la hausse ; en Navarre et au Pays Basque Nord, par contre, le ratio d’intervention publique a baissé, avec toutefois un léger accroissement ces deux dernières années.

Par ailleurs, les chiffres confirment l’importance et la consolidation des politiques traditionnelles, puisque les statistiques les plus récentes ratifient les différences structurelles habituelles. Ainsi, au Pays Basque Sud, la politique de logements sociaux locatifs n’est guère appliquée (ils n’apparaissent pas dans les statistiques) et au Pays Basque Nord, il n’y a pas d’autres logements de protection publique, outre les logements sociaux locatifs.

En définitive, ces données ne nous permettent pas de confirmer l’existence d’un processus de convergence entre les trois territoires, ni d’un renforcement de la dichotomie Pays Basque Nord-Pays Basque Sud, car on constate que, ces dernières années, les politiques traditionnelles sont moins appliquées sur ces deux territoires, malgré le grave manque de logements existant. Il convient, par conséquent, de continuer à approfondir la tendance et l’évolution du logement et de la politique du logement dans les différentes administrations du Pays Basque, ainsi que les processus compatibles et différenciateurs mis en oeuvre et à mettre en oeuvre à l’avenir.

Par territoires

Les statistiques du secteur du logement au Pays Basque Nord montrent, d’une part, la répartition des constructions nouvelles en vente entre habitations individuelles et collectives et, d’autre part, le nombre de logements sociaux locatifs2. Si nous observons leur évolution, on constate que le ratio des habitations collectives a expérimenté une légère tendance à la hausse, qui confirme ainsi, en matière d’aménagement du territoire, une tendance favorable pour une évolution durable (on sait le préjudice que représente, pour le développement durable, une organisation trop souple permettant une augmentation incontrôlée d’habitations individuelles).

Cependant, au Pays Basque Nord, les chiffres fournis par la Chambre de Commerce de Bayonne révèlent un accroissement d’habitations individuelles de 9,7%, durant la période 1999-2005 ; les habitations collectives, quant à elles, ont augmenté de 23,5%. De plus, les logements sociaux ont expérimenté une tendance à la baisse à partir de 2001, jusqu’à atteindre, en 2006, un ratio inférieur à celui de 1999 (23% et 28%, respectivement).

On constate également une augmentation des prix, tant des constructions nouvelles que des logements sociaux locatifs : de 70% dans le cas des habitations individuelles et de 73% dans les collectives. Les loyers des logements sociaux ont, quant à eux, augmenté de 20%, comme conséquence de la hausse spectaculaire des prix expérimentée entre 2002 et 2003 : en deux ans, le prix des habitations individuelles a en effet augmenté de 40% et celui des collectives de 45%.

Les données statistiques du secteur du logement en Navarre permettent de mettre en relief la distribution des constructions nouvelles en vente, des logements sociaux et des logements libres. On constate que, après une évolution variable, les logements de protection publique ont expérimenté une tendance à la baisse. En 1997, en effet, 51% des constructions nouvelles étaient des logements sociaux, contre 11% en 2004 et 31% en 2006.

Quant au prix, celui des habitations en vente libre a plus que doublé avec, entre 1997 et 2006, un accroissement progressif (le prix par mètre carré est passé de 798 Euros à 1.698 Euros). Et le prix maximum par mètre carré des logements de protection publique a également expérimenté une tendance à la hausse, avec une augmentation, entre 2000 et 2006 de 70% (en passant de 785 Euros à 1.338 Euros, respectivement).

Plusieurs sont les conclusions que l’on peut tirer, concernant le secteur du logement dans la Communauté Autonome Basque et compte tenu de l’offre dans ce territoire. En premier lieu, en dix ans, le ratio des logements sociaux a augmenté considérablement. Plus concrètement, 10% des constructions nouvelles en vente en 1996 étaient des logements sociaux et en 2006, ces derniers représentent 28%, comme conséquence d’un accroissement progressif chaque année. Les logements locatifs, par contre, ne représentent, au début de la période analysée, qu’un pourcentage réduit des habitations offertes chaque année (6% en 1996 et 10% en 1997), avec une légère augmentation à la fin de la période (9% en 2006 et 12% en 2006).

Quant au prix des logements, ils ont tous augmenté, aussi bien dans le secteur des logements sociaux que dans le secteur privé, avec toutefois une hausse plus importante dans ce dernier. Au cours de la période analysée, le prix par mètre carré a augmenté de 143% dans les logements libres, en passant de 1.502 Euros à 3.646 Euros. Les logements sociaux (de protection publique et logements protégés), quant à eux, ont expérimenté une augmentation de 85% du prix par mètre carré, passant ainsi de 696 Euros à 1.285 Euros.

Bibliographie
  • Allen, J., J. Barlow, J. Leal, T. Maloutas, and L. Padovani, (2004), Housing and Welfare in Southern Europe, London, Blackwell Publishing.

  • Barlow, J. and S. Duncan (1994), Success and failure in housing provision. European systems compared, Pergamon, Oxford.

  • Chambre de Commerce et d’Industrie Bayonne Pays Basque (2007-2008), Le Pays Basque en Chiffres / Ipar Aldeko Zenbakiak. Les chiffres-clés, www.bayonne.cci.fr - Departamento de Vivienda y Ordenación del Territorio (1999-2002 y 2003-2006), Planes de estadística, Gobierno de Navarra, www.navarra.es

  • Esping-Andersen, Gosta (2000) Fundamentos sociales de las economias postindustriales, Ariel, Barcelona.

  • Etxezarreta, Aitziber (2007), EAEko etxebizitza sistema eta politika Europako testuinguruan, Euskal Herriko Unibertsitatea, doktorego tesiak saila, Bilbo.

  • Etxebizitza eta Gizarteko Gaietako Saila (hainbat urte), Eskaintza inmobiliarioari buruzko inkesta, Eusko Jaurlaritza, Gasteiz.

  • Etxebizitza eta Gizarteko Gaietako Saila (2006), 2006-2009ko Etxebizitza bideratzeko plana, Eusko Jaurlaritza, Gasteiz.

  • Hoekstra, J. and Vakili Zad C. (2006), “High vacancy rates and high prices of housing: a Mediterranean paradox”, Paper presented at the ENHR conference, 2-5 july 2006, Ljubijana, Slovenia.

  • MEEDAT/SESP, EPLS, Ministère de l’Ècologie, de l’Ènergie, du Développement durable et de lÀménagement du territorie / Service économie statistiques et prospective (1999-2006) EPLS, L’enquête sur le parc locatif social, www.statistiques.equipement.gouv.fr

  • Ministerio de Vivienda. Estudios y Estadísticas. Gobierno de España. www.mviv.es

  • Pareja M., and I. San Martin, (2002), “The tenure imbalance in Spain: the need for social housing policy”, Urban Studies, Vol. 39, No. 2, 283-295.

  • Priemus, Hugo And Frans Dieleman (2002), “Social Housing Policy in the European Union: past, present and perspectives” in Urban Studies, Vol. 39, No. 2, pp.191-200.

  • Trilla, Carmen (2001), La política de vivienda en una perspectiva europea comparada, Colección Estudios Sociales No. 9, Fundación “La Caixa”, Barcelona, Spain.

En le Pdf je joins avec l'analyse il se comprend un bref reportage qu'il nous donne une perspective sur le thème.